31 juillet 2017

Passer l'été [Journal #8 ]



Dernier article du blog avant une pause estivale.
Je vous souhaite à tous un joli mois d'août, et on se retrouve à la rentrée !
En attendant, vous pouvez aussi retrouver mes photos parfois saupoudrées d'un haïku sur Instagram




Dimanche 23 juillet.

Les six derniers mois de 2017 condensent échecs, déceptions, révélations nauséeuses. Six mois dans la fiente familiale, dans le désarrois, à se débattre pour avancer. Bouger. Partir. Ne pas rester là, engluée dans la pénombre, au contact intrusif d'autrui. Fuir.
L'univers en a décidé autrement.
Entre la merde parentale que je pelte depuis mon enfance, avec ignorance et déni certain, et mes désirs d'émancipations contrariés, mes envies de légèreté clouées au sol, j'ai l'impression d'étouffer, de croupir. De me noyer dans les excréments des autres. Raz le bol. Mare, mare, mare.
Grosse colère et grande déprime.
Le printemps humide a laissé la place à une mousson violente. Tout laver. Nettoyer par le vide. Laisser l'eau emporter sel et déjections.
Loin d'ici. Loin de moi.

Passer l'été, comme pour les personnages d'un roman d'Olivier Adam.
Passer l'été pour terminer vivant.
Après plusieurs déceptions, constater que la fuite est impossible. Un leurre.
Pour l'instant, et probablement pour cette année, pas de déménagement. Mes aventures immobilières commencées en février, en réponse aux injonctions dévorantes de ma mère, tiennent du burlesque dans leur malchance à répétition. Une mouise telle que même les professionnels du métier n'en reviennent pas. Deux vendeuses qui se désistent juste avant la signature du compromis. La première, pas de regret. Une personne sans honneur ni parole pour un bien qui rétrospectivement avait de nombreux défauts.
Pour la seconde, les raisons de son revirement sont hallucinantes : rattrapage en force du principe de réalité et pétage de plomb. Beaucoup de malchance et surtout de tristesse. Nous avions eu un vrai coup de cœur pour cette maison. L'endroit où tu te dis « c'est pour nous » avec une vendeuse adorable. Fragile. Trop fragile. Dans un fantasme de changement de vie qui lui a explosé à la figure. Dépression. Rétractation.
Et on s'est aussi pris du shrapnel dans la tronche. Hébété, on se retrouve sans nouveau foyer.

Dans ma tête, ça a sauté.
Court-jus. Stop.
Foutez-moi tous la paix. Laissez-moi tranquillement panser mes plaies et me repaitre un peu de ma douleur, au fond de ma grotte.

Pas longtemps, le temps de faire le vide.
Remettre les compteurs à zéro.
Passer l'été.
Survivre aux six premiers mois de l'année. Constater que oui, je suis toujours en vie.
Ça a pété le 24 janvier. Alors je m'accorde jusqu'à 24 juillet.
Ou peut-être jusqu'au début août
Ou même jusqu'au début septembre. Quelques jours aux rencontres photographiques d'Arles, puis un voyage au Canada. Un autre continent.

Passer l'été. Laisser s'entasser les refus de mon manuscrit et terminer le second tome alors que le premier ne semble pas trouver grâces auprès des éditeurs.
Passer l'été. Les rues calme de la capitale, la température en yoyo d'une planète avec le hoquet. Les envies, les angoisses. Se dire qu'août sera une parenthèse et qu'en septembre, on reprendra le combat.

Passer l'été.





Lundi 31 juillet


La semaine suivant ce texte, j'ai expérimenté qu'il faut d'abord lâcher prise, abandonner ce qui coince, pour qu'une situation se débloque.
Lâcher prise, et l’imprévu s'invite, sans effort.
D'autres possibilités, d'autres chemins, bordés de confiance et d'espoir.

Je laisser passer l'été, sans combat ni débat.
En septembre, je verrai où la vie me mène.






26 juillet 2017

Fragment d'hanami à Kyoto [jeu d'écriture]



Agnès a des antennes.

Voici la second fois qu'elle jette ses dés de mot en un exercice d'écriture ludique et amusant. Le jeu tombe à pic alors que je traverse une période de panne sèche. Pour participer, il suffit de commenter sur son blog :

Le tirage est le suivant :
- Le halo de la lune
- Tituber
- Pétale de rose
J'ai tout de suite repensé à une soirée particulière, lors de mon séjour à Kyoto, l'an passé. Comme je vous ai peu parler ici de ce merveilleux voyage, en voici un fragment.





Dans les allées du jardin botanique, le crépuscule tend sa toile vive, depuis le sol au ciel trop bleu. Une vibration presque douloureuse.
Ils sont là, pour la parade, nimbés d'une neige douce, dans la chaleur d'un soir de printemps.
Ils sont là pour être admirés, cajolés de regards ébaubis, effleurés du bout d'un index timide, flattés pour leur houppe et leur magie diffuse.

L'occasion mérite notre attention.
Bâches bleues et alcool translucide. Vêtements de soie. Motifs ancestraux. Costumes fripés par une journée de labeur. Uniformes scolaires parfumés de sueur. Pousser la bicyclette. Se rendre à la fête.
Pique-niques organisés au cordeau ou bentos choisis à la va-vite au konbini du coin. 
La nuit appartient au jardin.
Nous ne sommes que des invités de passage, à profiter de leur présence.

Le temps ne se compte pas pareil pour les arbres et les hommes.
Tordus, vieillis, parfois malades, leur charme impressionne encore plus la foule dans son hommage unanime.

La présence de centaines d'espèces d'une foison de forme, de fragrances hésitantes, de tailles et de textures, de droiture et de courbes noueuses, rappelle nos différences. 
Vieillis, parfois malade, leur charme vénérable impressionne encore plus la foule dans son hommage unanime.

Alors, nous déambulons, tantôt dans les allées, tantôt sur les pelouse.
Nous buvons dans des gobelets de plastiques à leur santé. Grignotons une boulette de riz. Toujours, le nez en l'air, à observer les frémissements des pétales.

Demain ou après-demain, peut-être, le temps tournera à la pluie. Leur fière allure s'évanouira en une autre pluie, moins drue, sèche et voletante. Comme sa jumelle d'eau, elle termina sa vie dans le caniveau, à la surface des étangs et canaux, avant de sombrer lentement. Un tapis blanc maculant sable, herbe et bitume.

Et, l'an prochain, de jour, comme de nuit, se presseront les humains, ivre du spectacle éphémère d'hanami.



Accords de l'astre et l’électricité
Tant que dure le chant des cerisiers
Nuit d'avril ignorée










Pour les curieux, ma première participation :  http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2016/11/la-fournis-poeme.html

19 juillet 2017

Le meurtre d'Alice de Yasumi Kobayashi : Lewis Carroll revisité en un polar horrifique



La jeune maison d'édition d'Est en Ouest propose des œuvres contemporaines japonaises inédites. J'ai découvert leurs ouvrages à Japan Expo et j'ai été séduite par la qualité de la fabrication des livres (choix du format, papier, maquette...) Leur première collection se compose de policiers, un genre que je n'apprécie guère. Cependant, je me suis laissée séduire Le meurtre d'Alice, un titre hommage à Lewis Carroll. C'est une de mes meilleurs découvertes de la Japan Expo 2017 !


Back to Wonderland


L'histoire s'ouvre au Pays des Merveilles avec un dialogue délicieusement incongru. On apprend qu'Humpty Dumpty, le personnage ressemblant à un œuf, est tombé de son mur et a rendu son dernier souffle. Accident ? Non, quelqu'un s'est acharné sur sa coquille. Aucun doute, il s'agit d'un assassinat... Et voilà que le Lapin Blanc jure avoir vu Alice s'enfuir du lieu du crime. La jeune fille, immédiatement suspectée, se retrouve donc menacée de la sempiternelle décapitation. Le Chapelier Fou et le Lièvre de Mars, auto-proclamés enquêteurs, ne semblent pas désireux de prouver son innocence.

Au Japon, une étudiante, Ari, rêve du Pays des Merveilles. Quand un professeur meurt dans des conditions bizarres, semblables à celles du décès d'Humpty Dumpty, elle comprend qu'un lien étroit se tisse entre la réalité et le monde onirique. Que risque-t-elle si Alice est injustement accusée et exécutée ? Avec Imori, un autre étudiant partageant les souvenirs de ses aventures nocturnes, elle décide de mener l'enquête. Ils veulent découvrir quels êtres du Pays des Merveilles se cachent derrière les personnes qu'ils côtoient dans leur quotidien. Autour d'Ari, les cadavres s'accumulent dans des circonstances abracadabrantes et bientôt une véritable épidémie meurtrière fait rage au Pays des Merveilles.

Ari et Imori vont-ils résoudre l'énigme avec qu'Alice ne perde la tête, au sens propre ?


Lewis Carroll revisité avec brio


Le meurtre d'Alice est un hommage maitrisé à l’œuvre de Lewis Carroll. Non seulement l'auteur reprend les personnages et les codes de son univers, mais surtout, il réussit à retrouver le ton à la fois drôle, étrange et parfois déroutant de son style. La narration, principalement composée de dialogue, se révèle d'une grande finesse. La construction souffre, à mon avis, d'un petit travers de résolution très japonais (les amateurs de manga ou de drama de détectives reconnaitront la tendance à la mise en scène caricaturale). Cependant, si un passage m'a agacé, il s'avère rétrospectivement très malin. En effet, le récit enchâssé des deux mondes ne se contente pas d'une alternance simple et j'avoue avoir était surprise par les rebondissements.

Par goût, je n'aime pas les policiers minus les sempiternelle Agatha Christie poussiéreux de mon enfance, par pure nostalgie. Je n'aime pas non plus les récits d'horreurs (Lovecraft et compères exceptés). Le gore tend à me filer la nausée. Le meurtre d'Alice, flirte joyeusement avec ces deux genres tout en y ajoutant une dimension fantastique surréaliste. Si, le livre ne correspond donc pas à mes goûts, il est objectivement d'une grande qualité, tant pour l'histoire, sa narration et son style d'écriture, loufoque et concis. Son originalité indéniable dans le sujet et son traitement m'ont donné un autre regard sur la littérature japonaise.
Et puis, j'ai trouvé la fin brillante !

La traduction d'Alice Hureau, très fluide, est agrémentée de quelques notes de contextes précieuses et d'une post-face sur l'intertextualité pour qui connaitrait mal Lewis Carroll. La maison d'édition fait donc un travail indéniable pour rendre les subtilités du texte accessibles à un large public. Une démarche volontaire que je salue ! Outre les amoureux de polars et d'ovnis littéraires, tout ceux sensibles au surréalisme et la déliquescence des notions de réalité, qui aiment qu'un texte les déroutent, apprécieront l’exercice.

Le site de l'éditeur :